Je me souviens du jour où tu as pris la dernière chose de moi, que je voulais offrir. Le premier cadeau qu'offre la jeune fille au garçon qu'elle aime : le baiser.
Ce jour-là tu as pris mes rêves et mes fantasmes de pré adolescente. La douceur du rêve du premier amour. Ce partage avec l'autre, l'en-dehors.
Aujourd'hui j'essaie de me garder entière. Encore.
Cette meurtrissure a été le coup de grace. Meutrier d'enfant. Tu as pourtant fait tant de mal à ta fille, tu as pourtant vu le calvaire que tu as fait de sa vie. Et tu as recommencé avec la fille de ta fille. Ordure.
Infligeant la double peinne à ta propre enfant, ta fille, ma mère. Innoculant la folie à ta descendance. Ordure.
Et tu es toujours en vie, trainant ta vieille carcasse, trainant la patte...
Et pendant que je vomis ces mots, j'écoute Bach. Suites pour violoncelle. Le divin venant contrebalancer l'enfer ? Une ligne de "bon" permettant à mon esprit d'aligner les mots ?
J'attends la rédemption. Pourtant, qui donc a signé un pacte avec le diable ?
Tu m'as dit un jour, bien longtemps après, alors que je me préparais à être maman : "j'irai en enfer, et toi aussi. On se retrouvera en enfer, on a pêché".
Allez, je vais prendre ma dose. Cinq, dix, quinze gouttes. Me camisoler la tête. |